carnet de voyage III

Dimanche 25 Septembre 2011
Motueka-Murchison
L’Abel Tasman
                 Ici, comme partout dans le monde occidental, l’économie règne en maitre du temps  et l’heure s’avance au printemps, mais en septembre.  Dorénavant nous avons douze heures de décalage avec la France, la nuit arrivera plus tard à l’horloge, nous laissant plus de temps en fin de journée pour profiter du soleil. L’aube cède sa place au matin, Alain prend les devants sur l’horaire collectif et se rend en ville dans l’espoir de trouver une nouvelle cafetière à l’ouverture du supermarché. C’est son footing matinal même si à le rythme n’est pas très soutenu, les embruns de la veille rappellent la tempête subit.
Le ciel est par-dessus le toit, si beau si calme….
En cette matinée, le soleil est de nouveau au rendez-vous, le vent s’est apaisé et l’air se réchauffe, la météo est notre nouvelle alliée. Nous déjeunons à l’extérieur sur les tables en bois massif du camping avec l’enthousiasme mêlé d’inquiétude propre aux grands marcheurs. La défaite de la veille est déjà oubliée et nos esprits sont désormais tournés vers la découverte de l’île du Sud. Nous préparons nos sacs à dos pour le trek prévu dans le parc national de l’Abel Tasman. Délaissant nos vils habits de supporters au profit de nos nouvelles tenues d’aventuriers, nous quittons le camping en direction de Kaiteriteri, village situé à une dizaine de kilomètres toujours plus à l’Ouest, terminal routier et lieu d’embarquement des bateaux taxis pour le parc national de l’Abel Tasman.
 Nous faisons quelques achats culinaires en prévision du pique-nique de midi dans le supermarché ouvert  un dimanche. Thierry est surveillé de prêt car il nous faut impérativement limiter les emplettes puisque la journée d’hier a eu un impact terrible sur la caisse. Notre budget journalier a littéralement explosé hier au soir au pub au travers de quelques pintes de bière.
Profitant d’un moment d’inattention de ses cerbères celui-ci nous achète un kilo de côtelettes d’agneaux à vingt-cinq dollars néo-zélandais, au cas où nous dit-il ! Nous trouvons aussi une nouvelle cafetière, puisque Alain fut incapable d’en trouver une lors de son premier périple matinal. Les courses faites, nous quittons Motueka pour Kaiteriteri
La diversité des paysages néo-zélandais nous offre une nouvelle palette avec la traversée d’une plaine fruitière coincée entre la mer de Tasman et les premiers contreforts des alpes du Sud. Nous observons enfin les fameux arbres kiwis bourgeonnants. D’autres variétés d’arbres fruitiers sont présentes, mais comme la fleuraison est encore modeste il ne nous est pas possible d’en connaitre la variété.
Nous arrivons au bout de la route et au bout du monde sur un parking. Une plage déserte et une eau turquoise baignée d’un petit îlot ravissant et protégée par des falaises boisées tombant dans la mer nous fait face. La plage, parfaitement cintrée et protégée invite les bateaux à accoster à l’abri des vagues et du vent. Ceux-ci, posés délicatement sur le sable à environ trois mètres de la plage, déploient leur passerelle telle une grue à bras articulée, emportant les clients dans le parc de l’Abel Tasman.
L’agence maritime offrant renseignements et tickets d’embarquement est une simple cabane en bois posée à quelques mètres de là. A peine arrivés devant celle-ci, l’employé nous propose la promotion du jour: Un bateau peut nous amener  à environ une heure de là, dans le parc, pour la somme de cinquante dollars au lieu des soixante-deux dollars annoncés. Sans aucune hésitation nous prenons l’option, la saison touristique n’a visiblement pas encore commencée et le client est rare. L’impact de la coupe du monde n’est pas arrivé jusqu’ici.
Difficile de s’imaginer que Kaiteriteri Beach est une des plages les plus populaire de la région en été et que des milliers de touristes néo-zélandais et étrangers viennent s’y faire dorer la couenne et s’y baigner.
 Si en saison, les rotations sont prévues toutes les heures, ce n’est pas le cas en cette période, le prochain bateau est annoncé pour douze heures trente, cela nous laisse plus d’une heure d’attente. Nous mettons donc à profit cette halte forcée pour déjeuner et donc alléger nos sacs à dos. Un poulet rôti arrosé d’un vin australien 100% syrah fort agréable, rappelant nos côtes du Rhône font l’affaire.
Malgré un ciel magnifiquement azuré et un paysage paradisiaque nous déjeunons à l’intérieur de notre campervan car la température reste malgré tout relativement fraiche. À douze heures trente, comme convenu, nous franchissons la passerelle et embarquons en compagnie, d’un couple d’australien très sympathique et de six touristes néo-zélandais.. Nous sommes donc douze au total sur un bateau dont la capacité annoncée est de quarante personnes. Nous avons de la place.
 Le commandant, très avenant, nous explique l’organisation du périple, ce que nous allons voir et comment et où est fixé le retour. La passerelle repliée sur le ponton du bateau, nous quittons immédiatement la plage à toute vitesse. Le bateau est un catamaran muni de deux moteurs hyperpuissants sur chaque coque.
Nous remarquons qu’aucune recommandation de sécurité ne nous est donnée, nous ne savons pas s’il y a des gilets de sauvetage, bref si le bateau coule il va falloir vite nager vers la côte car vu la température de l’eau nous ne nagerons pas longtemps. Qu’importe nous voguons à vive allure, longeant le rivage, cheveux au vent, ray ban au visage, nous admirons le parc national de l’Abel Tasman.
La côte est une succession de petites criques de sable  blanc désertes, séparées par de petites pointes rocheuses enserrés par la forêt primaire se jetant dans la mer avec en arrière-plan d’immenses collines boisées. C’est un véritable petit paradis terrestre.  Les rochers, sculptés par le temps et la mer déclinent des formes variées et évocatrices. Un, plus particulièrement, attire notre attention, c’est une sphère quasi parfaite de granit de trois mètres de diamètres, semblant être posée sur la mer et fendue en deux comme brisée par l’épée d’un dieu en colère. 
Après une demi-heure de navigation notre bateau ralentit aux abords d’une petite île se trouvant à quelques centaines de mètres du rivage. Puis le commandant stoppe le navire et nous montre  une colonie de phoques bronzant au soleil. Nous faisons rire nos voisins puisqu’ils apprennent que Seal se dit en français phoque. C’est-à-dire que phonétiquement cela est très proche de Fuck. Autant dire qu’à partir de ce moment-là ils ne disent plus Seal mais phoque et partent, à chaque fois, dans un grand éclat de rire. Après cette petite pose, nous repartons le long du rivage, le commandant nous montre une nouvelle plage, nous comprenons que c’est le lieu où il viendra nous rechercher tout à l’heure puis il remet les gaz pour une nouvelle demi-heure de navigation  avant de nous déposer  dans la baie d’Enchorage. C’est une magnifique  plage de sable blanc lovée dans une crique féérique, avec toujours à l’arrière-plan la forêt.
Comme à Kaiteriteri Beach, le bateau se pose à trois mètres de la plage et la passerelle se déploie pour nous déposer sur le sable au sec. Le capitaine nous donne rendez-vous dans trois heures au point de rendez-vous et nous souhaite bonne promenade. Nous voilà perdus au milieu du parc national de l’Abel Tasman avec huit autres touristes. Nous avons trois heures pour faire environ huit kilomètres, cela nous laisse largement le temps de profiter du lieu et des paysages. La plage est très étroite, nous voyons un petit cabanon à la lisière de la forêt qui est prévu au cas où un besoin pressant se ferait sentir et le chemin qui s’engouffre au milieu des arbres.
La Coast Track que nous nous apprêtons à faire est ce qu’on appelle ici une Great Walk. Cela désigne une des neuf randonnées les plus réputées du pays, Il est quatorze  heures lorsque nous attaquons la marche. Dès les premiers pas nous constatons que le sentier est large, lisse balisé et sécurisé, une véritable autoroute pédestre comme pour le Tongariro, autre Great Walk. Nous laissons nos amis australiens prendre un peu d’avance et observons les lieux. La forêt est tellement dense qu’il est absolument impossible de se promener en dehors du sentier ce qui élimine de fait toute possibilité de se perdre, ce qui n’est pas pour nous déplaire. La forêt est un enchevêtrement d’espèces endémiques. Le sol est couvert de bois morts et recouvert de mousse alors que les lianes enserrent chaque végétal, donnant l’impression que chaque espèce est accrochée à l’autre sans qu’il puisse être possible d’en extraire une de cet amas primitif.
Que dire de cette ballade sans être redondant et comment ne pas l’être quand vos yeux s’émerveillent toutes les cinq minutes par un paysage somptueux. C’est féérique, monstrueux de beauté sauvage,  la forêt primaire qui domine les criques aussi belles les unes des autres. C’est une jardinerie de plusieurs milliers d’hectares avec les plantes grasses et les fougères hautes de cinq à dix mètres avec des oiseaux qui n’arrêtent pas de chanter. Nous passons notre temps à dire que c’est beau et magique. Nous sommes émerveillés et heureux. La nature nous parle, nous l’écoutons. Nous traversons des ponts suspendus en sifflant la musique du pont de la rivière de Kwai, puis nous faisons quelques petites courses de côtes manière de garder un ton ludique à la ballade. De temps à autre, un point de vue nous permet d’admirer la côte et les nombreuses plages de sables blancs. Cet état jubilatoire nous transforme : Jean-Luc entend Albert Camus, Thierry se prend pour Indiana Jones et Alain boit de l’eau. Adoptant un rythme rapide pour prendre de la distance avec mes camarades, je peux ainsi les filmer en pleine action et graver nos souvenirs dans le caméscope.
Après deux heures de marche nous arrivons dans une petite crique au nom évocateur de Torrent’s bay. Un ruisseau se jette dans la mer au milieu d’une forêt où trois ou quatre petites maisons dominent  la plage. C’est à la fois très beau, mais aussi très romantique. Nous passons une petite heure sur cette plage à attendre l’arrivée de notre bateau taxi. Chacun se promenant et contemplant l’endroit avec une envie de solitude permettant de ne rien perdre de l’instant.
À l’heure prévue, notre bateau vient nous chercher en compagnie de quatre ou cinq personnes qui, comme nous, se sont promenées dans la journée sur les sentiers de l’Abel Tasman. C’est marée basse, aussi le bateau accoste beaucoup plus loin, ne pouvant pas approcher, il nous oblige à prendre un petit bain de pied jusqu’aux genoux. L’eau est très froide en cette période, notre commandant  nous annonce qu’elle est à douze degrés.
 Sur le retour nous nous arrêtons devant différentes plages pour prendre d’autres clients qui attendent, ce qui fait que nous sommes une bonne vingtaine à prendre place dans le bateau, dont nos australiens toujours aussi sympathiques, qui pendant un instant nous font même oublier que nous sommes définitivement fâchés avec ce peuple. Nous arrivons à Kaiteriteri Beach,  vers dix-sept heures.
Dans notre plan de voyage il est prévu de dormir à nouveau à Motueka ce soir et de reprendre la route demain. Vu que l’horloge humaine a été retardée d’une heure, il est encore tôt par rapport au soleil,  nous décidons donc de rouler un peu pour nous avancer et nous rapprocher de la ville de Westport, prochaine destination, nous quittons, à regret, l’Abel Tasman. Nous empruntons la même route que ce matin et revenons sur nos pas jusqu’à Motueka, nous faisons quelques courses au supermarché toujours ouvert en ce dimanche et filons sur la Motueka Valley Hwy en longeant la Motueaka river.
 À la sortie de la ville, nous croisons un petit aéroport, comme il en existe dans de nombreuses localités en Nouvelle-Zélande. Au dernier recensement Motueka compte sept mille habitants mais vu la géographie du pays et l’infrastructure routière, la plupart des petites villes sont dotées d’un aéroport permettant aux autochtones de pouvoir se déplacer facilement et rapidement. Ces aéroports ressemblent à nos aérodromes. Ils sont conçus pour accueillir de petits avions particuliers. Il est peu probable que des avions de grandes compagnies puissent un jour atterrir ici, ce qui laisse encore du temps à Motueka pour être un petit paradis perdu.
Nous traversons pendant une vingtaine de kilomètres d’immenses plaines fruitières mais aussi des vignobles et des plantations de houblons, le tout longeant le fleuve Motueka. L’ensoleillement et la fertilité des terres font de cette région une grande région agricole, même si le tourisme semble aujourd’hui prendre le dessus. Nos guides nous expliquent que c’est la région de l’île du Sud où il fait le plus chaud avec des records d’ensoleillement, vu les décors, pas étonnant que les kiwis en fassent un de leur lieu de villégiature favori.
Petit à petit la route commence à grimper  en suivant toujours la rivière  adossée au Kahurangi National Park. Celui-ci englobe toute la partie Nord-Ouest de l’île du Sud, les paysages deviennent alpestres et les fruitiers font places aux conifères et aux prairies peuplées de plusieurs espèces de bovidés, les fermes d’élevages refont surfaces, c’est la Nouvelle-Zélande des cartes postales.
 Nous traverserons plusieurs petites localités de quelques centaines d’habitants dont Woodstock avant de rejoindre, la SH6 qui traverse l’île du sud de part en part, c'est-à-dire de Nelson tout au Nord à Invercargill tout au Sud. Cette route longue de près de mille kilomètres est la grande route qui longe toute la côte Ouest de l’île, ce sera notre route pendant près de cinq cents kilomètres.
Changeant de versant, nous nous rapprochons des Alpes néo-zélandaises et du versant ouest. Les conditions climatiques semblent d’ailleurs se dégrader puisque le ciel tourne à l’orage laissant définitivement le ciel bleu sur l’Abel Tasman. Au loin nous apercevons les sommets enneigés des Alpes. A nouveau, la route longe une rivière, qui n’est autre que la mythique Buller river, connue de tous les pêcheurs de truites fario. Nous la longeons pendant près de trente kilomètres, d’une limpidité parfaite, l’eau est cristalline, serpentant dans de magnifiques paysages alpestres.
La fatigue commence à se faire sentir et mes camarades sombrent un à un dans une sieste réparatrice. Nous décidons donc de nous arrêter mais une fois de plus  ne trouvons aucun lieu  de villégiature pour passer la nuit. Il va s’en dire qu’il n’est pas question ce soir de dormir ailleurs que dans un camping, la température ne dépassant pas les cinq degrés et il nous faut de l’électricité pour mettre notre petit chauffage d’appoint
Finalement nous trouvons un rustique camping à la ferme dans la ville de Murchison sur les hauteurs de la plaine des quatre fleuves, au confluent des fleuves Buller, Matakitaki, Mangles  et Matiri à mi-chemin entre Westport et Nelson. Tous ces fleuves sont mondialement connus pour la pêche à la mouche des grandes truites brunes. Murchison est aussi connu pour avoir été l'épicentre d’un terrible tremblement de terre en 1929 faisant des centaines de morts.
Le vent de l'hiver austral descendant des Alpes nous saisit dès que nous sortons du campervan. L’altitude et la latitude accentuent le phénomène: C’est encore l’hiver. Le camping est à l’image du kiwi qui nous reçoit: rustre, mais tellement typique. Le touriste n’est pas forcément le bienvenu, notre propriétaire à d’autres choses à faire : S’occuper de ses animaux et pêcher. Aux murs sont exposées de nombreuses photos où il exhibe ses captures avec entre ses mains des truites péchées plus impressionnantes les unes des autres. C’est monstrueux, la plupart doivent peser plus de dix kilos et mesurer entre cinquante et soixante-dix centimètres, il nous explique que c’est dans la rivière tout à côté du camping qu’il les a péchées. C’est un grand et gros bloc de granit à l’image du pays, du temps et du paysage : Massif. Il parle d’une voix caverneuse et me fait répéter trois froid mon nom en l’épelant et roulant le r en riant à gorge déployée.
 Le camping est modeste et il y a peu de monde, tout au plus deux ou trois campervans. Les canards sont au rendez-vous, comme d’habitude et viennent nous voir à la porte du camion dès notre arrivée. Le camping sent la ferme, l’authentique, d’ailleurs, quelques spécimens bovins nous font face. Le froid vif nous oblige à nous expatrier dans les cuisines du camping où un poêle réchauffe l’atmosphère. Le repas du soir est une purée et les fameuses côtelettes de Thierry. Une fois de plus nous nous régalons avec la viande gouteuse et tendre, finalement nous remercions Thierry pour son achat. Le froid et la décoration sommaire et tristounette  du lieu nous conduit dès la fin du repas à revenir nous blottir dans notre douce demeure mobile où nous avons nos habitudes de vieux garçons.
Le froid et la fatigue s’abattent sur nous donnant à la coinche un enthousiasme sibérien Le froid nous impose de sortir l’infusion pour réchauffer nos entrailles. Soirée maison de retraite avant l’heure. Pour la deuxième fois en deux jours, nous battons la paire Icher-Rabou. La clé du succès de ce soir vient certainement de Thierry qui voyant son état de santé chancelant a délaissé la verveine  et a légèrement abusé du Whisky pour combattre froid et fatigue. Il y a du  J Wayne dans Thierry ce soir.
Avant d’aller au lit, nous allons nous connecter une dernière fois à Internet via l’ordinateur du camping. Il est vingt-trois heures ici mais en Occitanie c’est dimanche matin onze heures. L’article de la dépêche est paru. Nous scrutons attentivement le contenu de l’article pour voir ce que le journaliste a repris de notre logorrhée tant travaillée et nous constatons, non sans fierté, qu’il a repris la quasi-totalité de notre écrit.  
Nous allons au lit dans un froid glaciaire, le zéro degré ne doit pas être bien loin et dans le bourdonnement du ventilateur du chauffage nous trouvons rapidement le sommeil.

          Lundi 26 Septembre 2011
Murchinson-Hokitika
The West Coast
                               La météo reste clémente, un soleil radieux brille en cette belle matinée, d’après les informations glanées sur Internet, c’est le beau temps assuré pour la journée ce qui semble un petit miracle vu le nombre de jours de pluie dénombrée sur l’année dans cette région. En temps normal, les nuages remontant du cercle polaire sur la Nouvelle-Zélande se bloquent sur les contreforts des Alpes et déversent des milliers de mètres cubes d’eau sur la région, c’est leur pissadou local. A contrario, le froid est notre nouvel ennemi, associé à l’humidité, il nous oblige à faire fonctionner une grande partie de la nuit notre petit chauffage d’appoint. Nous redoutons la panne, car il est mis à rude épreuve, fonctionnant sans discontinuité toute la nuit. Malgré cela il fait froid ce matin dans notre campervan et sur les vitres la buée s’est transformée en ruissèlement continu entretenant nos rhumes endémiques.
C’est le départ pour la mythique West Coast. Quand les Néo-zélandais parlent de the Coast, c’est de cette région qu’ils parlent. Le gentilé Coasters est l’usage pour désigner les habitants de la région qui va de la pointe de Kahurangi tout au nord à la pointe d'Awarua au sud, soit une distance de plus de six cents kilomètres. À l'ouest on longe la mer de Tasman et à l'est les Alpes du Sud. La West Coast est donc une étroite bande de terre qui est  logée entre la mer Tasman et la chaine montagneuse des Alpes du sud, cette bande de terre ne fait à certains endroits que la largeur de la route. On va la descendre pendant deux jours sur plus quatre cent kilomètres. Elle fait partie des plus belles routes du monde et est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Le petit déjeuner expédié, la douche redoutée évitée, Jean-Luc propose une petite partie de pétanque manière nous réchauffer un peu. Thierry accepte douloureusement de se plier au jeu du groupe car il a prévu un footing pour ce matin, tant pis, il laisse tomber. La pétanque achevée, nous quittons notre sympathique  Kiwi Holiday Park pour reprendre la SH6 en direction de Westport. Dès le premier kilomètre, nous ne résistons pas au little magasin de souvenirs planté en bord de route. Des caleçons et autres vêtements made in China ou Thaïlande font notre bonheur sachant que le magasin solde les articles de l’été 2011 c'est-à-dire janvier 2011. Les réductions sont importantes et donc intéressantes et nous avons la poussière SH6 made in new-zealand en option, comment ne pas être satisfaits.
Pendant près de soixante kilomètres, nous longeons The Buller River et ce, jusqu’à l’embouchure de la mer Tasman où se trouve la grande ville au Nord de la côte Ouest Westport dont la population ne dépasse pas quatre mille habitants. La rivière et les paysages sont un condensé des gorges du Tarn, de l’Ardèche et du Verdon. Nouvelle variété de paysage et nouveau coup de foudre.
La Buller river est une grosse rivière encaissée avec de nombreux rapides plus ou moins imposants ayant comme toile de fond la forêt primaire surplombant les canyons de granit et les premiers contreforts des Alpes. En saison, de nombreuses activités  sont  proposées comme le Canoë- Kayak, le rafting et le Jet Boating, sauf qu’aujourd’hui nous ne voyons pas un seul engin sur l’eau et la route est absolument déserte. On peut imaginer  que même en pleine saison nous  ne sommes pas à Vallon Pont D’Arc puisque nous ne trouvons aucune une ville sur la totalité du parcours. Nous ne dénichons que deux ou trois campings mais pas un hôtel et encore moins un restaurant en bord de rivière vantant les authentiques produits locaux.
Pendant soixante kilomètres nous roulons à faible allure nous délectant de paysages de cartes postales. Devant les grandes landes de la rivière, j’imagine les truites blotties sous les rochers en fond de courant attendant le leurre de ma canne. À de nombreuses reprises nous nous arrêtons pour prendre des photos et  regrettons de ne pas mieux profiter de ces paysages somptueux. Au-dessus d’un pont en fer nous trouvons les vestiges du vieux pont originel, dernière cicatrice du tremblement de terre de 1929.
 Après deux bonnes heures de route, nous arrivons à proximité de Westport que nous laissons sur notre droite suivant la SH6 en direction du sud. La ville a eu son heure de gloire au début du vingtième siècle avec les chercheurs d’or dans la Buller River, aujourd’hui ce sont les mines de charbon qui ont pris le relai faisant vivre la région. Nous décidons de ne pas visiter le Carmaux local,  la ville ne revêtant aucun intérêt d’après les guides.
La SH6 longe désormais la mer de Tasman. Dès que nous l’apercevons, c’est le choc, l’immense mer de Tasman est en furie de monstrueuses vagues viennent se jeter sur une côte totalement déchirée alternant petites criques, falaises et grandes plages jonchées d’arbres morts et de bois flottés, sculptés par les marées et les tempêtes des mers du Sud. Nous sommes sous les quarantièmes rugissants, sur le 42° parallèle sud. Nous sommes  frappés par la solitude du lieu. Il n’y a aucune âme qui vive, pas un navire à l’horizon, puisque c’est une mer qui ne mène nulle-part. La mer, à perte de vue, abandonnée, isolée, déserte.
 Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Pas de ville ou de village, quelques maisons isolées vivant de la mer ou de la terre. Nous traversons des prairies ou paissent des moutons et des forêts inexploitées traversées de nombreuses rivières descendant des Alpes pour se jeter dans la mer.
Désormais, cap au Sud en longeant la mer de Tasman sur notre droite. Prochaine ville Greymouth distante de quatre-vingt-dix kilomètres entre les deux : la nature, que la nature. Petit souci, un panneau de signalisation routière nous indique que la prochaine station-service est aussi à quatre-vingt-dix kilomètres et vu la jauge du réservoir cela risque d’être un peu juste. Nous gardons en nous l’insouciance de notre jeunesse, nous ne voulons pas revenir sur Westport l’aventure c’est l’aventure, nous y allons
Prudents nous roulons à vitesse modérée, cherchant à  économiser le carburant tout en admirant le paysage. Pendant plus de soixante kilomètres nous longeons une succession de  plages de sable blanc d’où se détache d’énormes aiguilles, vestiges d’un autre temps, immenses falaises érodées par l’eau et le vent.
La civilisation est en marche, les fils qui chantent longent notre route, indiquant que chaque maison isolée est malgré tout alimentée en électricité et en téléphonie. Ce n’est pas le cas de l’eau, chaque habitation dispose d’une immense citerne accolée à un mur à l’extérieur permettant de capter l’eau. Nous l’avions déjà observé dans de nombreux endroits y  compris dans l’île du Nord. L’eau courante dans ces régions n’a pas la même signification que chez nous, ici elle court dans la nature, il suffit donc la capter individuellement sans passer par des usines de traitement.
Nous découvrons de nouveaux panneaux de signalisations indiquant un danger potentiel, un manchot y est dessiné en son centre, à tout instant il  peut traverser la route.
 Au bout d’un cinquantaine de kilomètres nous arrivons dans le minuscule village de Punakaiki où nous trouvons enfin un motel-restaurant en bord de route pour déjeuner. Il est treize-heures trente et nos estomacs crient famine même si, fascinés par la beauté du paysage nous l’avons supporté sans trop de difficultés. 
Le Punakaiki Tavern-Bistro and Accomodation nous ouvre ses portes. Tout en bois, pouvant contenir une centaine de personnes et ressemblant à un saloon tout droit sorti d’un western, la salle est immense faite de tables et de chaises en bois capables de résister à une tonne au bas mot, ici c’est du mastoc. Dans un angle l’inévitable grand écran plat diffuse des images de rugby et au fond de la salle, un jeu de fléchettes attend les clients. Le poêle est allumé malgré le soleil, mais la température reste relativement basse et le vent souffle le froid du pôle. Ce doit être le seul du coin et à cinquante kilomètres à la ronde.
Nous commandons à un patron ressemblant à un bucheron avec une énorme barbe et une magnifique chemise à carreaux, quatre assiettes de frites avec divers accompagnements, chacun prenant un plat différent. Tout est frit et baigne dans la graisse, à l’exception des calamars à la romaine qui restent une valeur sure partout dans le monde. Les espèces de petites saucisses en beignet, malgré la faim restent dans le plat. Un vrai repas diététique où la mayonnaise et les sauces américanisées nous font regretter notre charcuterie lacaunaise. Nous arrosons le tout par de bonnes et vraies pression en chope de demi-litre à l’exception de Jean-Luc qui fidèle à ses principes reste au vin.
Le repas se termine par un café pris en terrasse sous les rayons de soleil amenant un peu de chaleur. Le propriétaire a cherché à créer un modeste jardin botanique, mi japonais avec un bassin où quelques  poissons rouges d’un kilo bronzent au soleil et mi local puisque de nombreuses sculptures maoris en bois sont exposées, c’est original voir bizarre mais personne ne cherche à polémiquer avec le proprio.
Repus, nous reprenons la route sans omettre de demander, au cas où, s’il n’y aurait pas une station-service dans le coin. Hélas le panneau ne mentait pas, c’est bien trente kilomètres qu’il nous reste à parcourir avant de pouvoir faire le plein avec une jauge qui ne clignote plus depuis longtemps cela risque d’être compliqué.
À la sortie de la ville, un grand parking et un complexe touristique nous indiquent que nous sommes en présence de la curiosité locale indiquée sur tous les dépliants touristiques néo-zélandais.
Punakaiki se situe en bordure du parc national de Paparoa. Ce parc à la particularité de renfermer en son sein une flore endémique unique de type tropical. La  région bénéficie d’un microclimat subtropical permettant aux seuls palmiers natifs de Nouvelle-Zélande de pousser. Le Nikau, puisque c’est son nom, est la seule variété de palmier au monde, à pousser à cette latitude. On se croirait donc à Tahiti, mais avec au loin, à l’arrière-plan,  les montagnes enneigées des Alpes du Sud.
Nous nous promenons sous les palmiers et sur les chemins, une fois de plus remarquablement aménagés, du parc Paparoa, avant de déboucher en bordure de mer sur l’attraction locale : Les pancakes Rocks.
 Ce sont des falaises de calcaires usées par le temps et les marées et qui ressemblent à des galettes empilées. Les fonds marins ont été soulevés au-dessus du niveau des mers, il y a quelques années, par les tremblements de terre pour former les falaises côtières du littoral. La mer, le vent et la pluie ont depuis gravé dans les couches de crêpes en calcaire. C’est vraiment unique en son genre.
Lorsque les conditions sont réunies, c’est-à-dire à marée haute et avec beaucoup de houle, l'océan pénètre à l’intérieur de ces rochers et dans un bruit sourd rappelant le tonnerre il crache d'énormes gerbes d’eau comme le fait la baleine par l’évent. Nous avons la chance d’en observer aujourd’hui puisque les conditions sont réunies.
Le circuit longe les falaises et nous permet d’observer ce phénomène de longues minutes. Nous ne sommes pas nombreux et nous profitons de tous les belvédères pour mieux nous imprégner du lieu. Notre escapade digestive terminée, nous rejoignons notre campervan.
Devant nous, à l’entrée un kiwi nous attend, l’animal mythique, celui que personne ne voit est devant nous, se laisse approcher et attend de nous un peu de nourriture. Est-il blessé ? C’est miraculeux tous les superlatifs sont de sortie et les appareils photos crépitent. Après une très courte enquête, il s’agit en fait du cousin germain du Kiwi qui se nomme le Weka et qui comme son illustre cousin est incapable de voler mais fait aussi partie des espèces endémiques néo-zélandaises. C’est un oiseau qui n’a rien de mythique puisqu’il est appelé communément la poule maorie. Le miracle n’a pas lieu et nous rentrons dans notre véhicule en toisant l’animal.  
Nous reprenons la route, toujours en direction de Greymouth plus au Sud pour encore trente kilomètres mais à vitesse très réduite. Finalement en jouant avec les descentes au point mort et des accélérations limitées Nous atteignons les faubourgs de la ville aux environs de dix-sept heures. Une magnifique station-service nous fait face.
Greymouth est la grande ville de la West Coast. Sa population est estimée à dix mille habitants et l’extraction du charbon reste, ici aussi, l’industrie principale. La ville ne revêt aucun caractère particulier et ne mérite pas qu’on s’y attarde. Nous décidons donc, après avoir fait le plein et quelques courses dans un supermarché tout à côté, de continuer notre route.
Quand on sait que sur les quatre cents kilomètres séparant Westport au Nord  de Haas au Sud il y a trente-cinq mille habitants et que les villes de Westport et de Greymouth comptent à elles deux quinze mille habitants on s’imagine à quoi ressemble la région avec un chiffre de vingt mille habitants répartis sur les quatre cents kilomètres. On peut dire que c’est réellement désert et totalement sauvage….
Après avoir rempli notre réfrigérateur de nombreuses denrées alimentaires, nous continuons à rouler quelques kilomètres vers le Sud en direction de Hokitika. Finalement,  après moult pérégrinations et hésitations nous bifurquons sur un petit chemin qui nous amène sur une immense plage de sable gris s’étendant à perte de vue et totalement déserte. Arrachés de leur terre et ramenés par les vagues, jonchant la plage, d’innombrables bois flottés aux formes les plus diverses et deux ou trois chablis sont échoués. Pas de plastique, aucun détritus nous sommes tout au bout de la planète. L'eau a toujours la même couleur grise due au sable charrié par des vagues toujours aussi impressionnantes. L’immensité du lieu portée par le vent de l’Antarctique a quelque chose  d’inquiétant. Nous restons de longues minutes à fixer l’horizon dans l’attente de voir un improbable cargo derrière la ligne bleue, c’est  immense et un peu effrayant, mais tellement beau !
Nous voilà installés sur la plage, calfeutrés au chaud dans notre campervan, où, de la fenêtre, nous assistons à un magnifique coucher du soleil sur la mer de Tasman, interrompu au dernier moment par des nuages annonciateurs d’une pluie imminente.
Une petite maison au loin, nous rappelle que l’espèce humaine est présente même si à l’évidence elle est peu représentée. Un panneau planté par le Département of Conservation nous indique que si nous croisons des manchots égarés qui cherchent le pôle Sud il faut prévenir les gardes côte, on imagina le tableau un instant, l’arrivée d’une colonie de manchots sur la plage…
 Nous dinons tranquillement dans notre campervan avant de faire une coinche d’anthologie.
 Nous ne pouvons pas perdre, nous avons gagné, la victoire est humiliante pour l’adversaire, ils prennent ce qu’il est convenu d’appeler une branlée, nous nous moquons,  nous raisonnons, nous jubilons, je fais le malin…trop…On a perdu.
À vingt-trois heures, nous nous couchons sous les quolibets de deux abrutis, la colère est en moi puisque j’ai non seulement perdu la partie de carte mais j’ai mon portable qui m’abandonne, il est tombé en panne. Même si je m’en suis pratiquement pas servi de tout le voyage, il est rassurant de savoir que nous pouvons rester en contact avec nos familles au cas où.
En pleine nuit, maudissant ma suffisance je n’ai plus sommeil, cherchant sans cesse l’erreur fatale qui nous a coûté la victoire. Je quitte acrobatiquement  ma bannette pour aller me promener sur la plage. Le vent a chassé les nuages, scrutant l’horizon, j’espère voir un hypothétique navire ou des manchots, je ne vois que des étoiles qui brillent. Pour la première fois je prends le temps d’observer le ciel. Couché sur le sable, emmitouflé dans ma polaire je constate l’absence de nos petites et grandes ourses et donc de l’étoile polaire, je cherche longtemps, en vain, la croix du Sud son alter ego de ce côté de la terre, je ne la trouve pas et me rend compte à quel point le ciel est différent. La lune éclaire l’eau et la plage couverte de cadavres venus de la forêt fuégienne. Encore un moment gravé à jamais. L’immensité du lieu me rend encore plus petit. Je retourne dormir pendant que Thierry va à son tour  faire une promenade sur la plage.


Mardi 27 Septembre 2011
Hokitika-Wanaka
  Glacier Franz josef
                         Six heures, personne ne dort, le vent et la pluie ont refait leur apparition, le froid ne nous a pas quitté. Notre appartement est passablement branlant et bruyant à l’aube naissante. Depuis quatre jours, nous avions oublié qu’il pleut beaucoup et qu’un vent violent souffle en cette région du globe : L’arc Nor’west. Notre optimisme légendaire nous indique un minuscule coin bleu tout au fond de l’immense ciel noir et gris laissant espérer quelques éclaircies, certes improbables mais qui sait ? La journée sera longue, ne dit-on pas en Nouvelle-Zélande qu’en une seule journée on peut voir les quatre saisons, pour ce matin c’est l’hiver austral.
Le sommeil s’en est définitivement allé, nos activités diurnes reprennent en silence dans un rituel désormais bien établi. Pendant que Jean-Luc plie son lit pour le transformer en banquette, Thierry range le fond du camion, cherchant quelque chose, pendant ce temps Alain ordonne le couloir et passe le balaie dans les parties communes alors que je fais chauffer de l’eau et prépare le pain grillé. Nous aérons pour chasser l’humidité accumulée tout au long de la nuit. Installés sur les banquettes,  nous déjeunons face à la mer Tasman. L’horizon est sombre, la mer déverse inlassablement d’immenses vagues obscurcies par le sable gris sur  la plage déserte, où seules des racines décharnées et polies par les quarantièmes rugissants sont déposés par les marées. C’est une carte postale de fin du monde.
Après un débarbouillage succinct suivi d’un brossage de dents, chacun va chercher un coin pour déposer un dernier souvenir avant de reprendre la route. Pendant que certains vont se cacher entre les mamelons des dunes, j’affronte la mer Tasman, nu dans l’eau jusqu’à hauteur de genoux, je dépose mon présent dans une eau à douze degrés. Je récupère mes vêtements déposés sur le chablis poli par les marées et je reviens au campervan allégé et prêt à affronter de nouvelles aventures.
Sans le savoir, à cet instant précis, je viens de tomber de la poche de mon pantalon mon petit porte monnaies européen où se trouve ma clé USB et un billet de vingt euros. C’est ainsi que disparait à jamais ma bourse au pays du grand nuage blanc.
Nous reprenons la route sur une dizaine de kilomètres avant d’arriver dans la ville d’Hokitika vers huit-heures trente. Les rues sont désertes, le temps reste maussade et les touristes se font attendre. Hokitika a connu son heure de gloire il y a bien longtemps, car la région renfermait dans ses entrailles, de l’or et du jade. De nombreux colons venus d’Europe ont cherché vainement l’or croyant devenir riches, peu le sont devenus. Aujourd’hui, il n’y a plus d’or, mais il y a encore du jade qui est travaillé dans les petits ateliers locaux. C’est toujours la capitale mondiale du Jade qui est un minéral de couleur verte que l'on rencontre surtout en Nouvelle-Zélande et en Australie. C’est la pierre la plus précieuse des maoris : The Pounamu donnant la force, la prospérité, la protection, l'amour, l'amitié, la croissance et l'harmonie. Ce qui au final est plutôt pas mal.
Cette capitale compte trois mille habitants et ressemble à une petite station balnéaire comparable à Valras-Plage, il y a trente ans avec deux rues perpendiculaires dont l’une longe la plage, dans chacune, une vingtaine de commerces se font face dont bon nombre proposent des bijoux en Jade. Deux ou trois musées rappellent les heures de gloire des pionniers de l’or et du jade au début du siècle.
Voyant trainer quatre touristes français, la plus grosse fabrique de la ville ouvre ses portes un peu avant les neuf heures précises affichées sur la porte, elle va en être largement récompensée. Pendant plus d’une heure, nous léchons les diverses vitrines d’exposition, admirant et comparant le jade noir et vert et les différents motifs ciselés par les artisans locaux. Chacun, dans l’intimité de sa relation et surtout de ses moyens financiers cherche le présent le mieux adapté aux oreilles, aux poignets ou aux doigts de sa déesse. Nous finissons par acheter The souvenir à nos compagnes restées au pays. Nous y laissons plus de six cents euros aussi nous avons droit à un magnifique sourire des deux vendeuses à notre sortie. Elles ont déjà gagné la journée.
Nous visitons encore un peu le village, nous entrons dans un magasin du DOC magnifiant la West-Coast et proposant divers produits dont des tee-shirts. Thierry trouve son bonheur et en achète un ou deux de plus au cas où. Jean-Luc trouve un livre représentant tous les sites où furent tournés le seigneur des anneaux et l’achète. Nous imaginons que c’est un haut lieu touristique de la région, mais pour l’heure, nous sommes tout seuls, ils nous bichonnent. Le paysage reste splendide. La plage de sable gris immense s’étend à perte de vue avec les alpes enneigées derrière nous mais il ne faut pas oublier l’essentiel : La température de l’eau reste fraiche même en été et la pluie tombe très souvent, le chiffre de 280 millilitres d’eau par an est donné soit le double que ce qui tombe à Lacaune les bains…
Nous faisons les courses pour la journée dans le New World Supermarket  local en admirant  une fois de plus les hôtesses d’accueil (les caissières) qui restent debout devant leurs caisses tout en vous remplissant vos sacs.
Vers dix heures trente nous reprenons la route en direction du glacier Franz Joseph distant d’une centaine de kilomètres. La route reste  toujours aussi belle, mais  l’émerveillement de la veille, a fait place à une euphorie se propageant à travers les accompagnements vocaux des chansons distillées par notre autoradio. Il y a entre autre un spécial dédicace Michel Molinier d’anthologie avec salut les amoureux repris en cœur par la chorale occitane du campervan. Ce nouveau moment jubilatoire, amène  Alain et Thierry à perdre la raison, ils saluent tous les véhicules que nous croisons en leur faisant le V de la victoire.
Le soleil et des passages pluvieux alternent et nous permettent d’admirer les paysages sous différentes couleurs. Progressivement nous nous éloignons de la mer Tasman pour longer les contreforts des alpes du Sud, nous rapprochons du parc national du Mont Cook mais la mer n’est pas bien loin, elle n’est qu’à une dizaine de kilomètres. La végétation se transforme, The rain forest reprend ses droits, à nouveau des lacs se succèdent les uns aux autres. La flore est différente, on trouve nombre de conifères, mais aussi des hêtres et des arbres inconnus, nos livres parlent de Podocarpes  et de Nothofagus.  Nous entrons dans le Parc National Te Wāhipounamu classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Te Wāhipounamu est une expression maori signifiant « Lieu du pounamu». Nous roulons ainsi pendant près de deux heures.
Nous arrivons au Glacier Franz Joseph vers douze heures. Le village est, comme toutes les capitales que nous traversons, tout au plus composé d’une cinquantaine de maisons, mais pour le coup c’est touristique. Parkings, Hôtels et restaurants se succèdent sans oublier les boutiques souvenirs. Comme dans beaucoup d’endroits touristiques il est proposé des tours d’hélicoptère pour voir le glacier. Il est évident que la nature néo-zélandaise vue du ciel doit être impressionnante permettant d’apprécier encore plus la beauté naturelle des lieux. Nos moyens ne nous permettent pas de jouer à l’Arthus Bertrand de service, un seul suffit.
 Nous roulons encore deux ou trois kilomètres remontant le lit de la rivière avant de nous garer sur un grand parking. Le soleil continue à jouer à cache-cache avec la pluie, mais le plafond n’est pas bouché, cela devrait nous  permettre de pouvoir observer le glacier sur toute sa longueur. C’est endroit est un des rares endroits au monde où le glacier vient mourir à quelques kilomètres de la mer, c’est un glacier côtier.
À nos côtés, un couple de jeunes kiwis se réchauffent autour d’un petit braséro. Visiblement l’escapade proposée par le jeune homme n’a pas été du goût de sa compagne. Les regards et le ton employé montre que la tension est à son comble. On ne plaisante pas avec la montagne. Nous nous équipons comme des pros, Thierry met son pantalon spécial montagne et le bonnet au cas où.
Nous voilà en marche d’approche en direction du glacier. Pendant un petit quart d’heure nous marchons dans la forêt et ne rencontrons que peu de monde, puis la forêt fait place à une immense vallée glaciaire réduite aujourd’hui à un amas de roches erratiques déposé  par le glacier. Cette moraine s’étend sur deux kilomètres environs, plus au loin, nous voyons l’extrémité de la langue  glacière du  Franz Joseph. De chaque côté de la vallée sur les épaulements laissés par le glacier, des cascades de plusieurs dizaines de mètres  tombent des replats d’où renait la forêt. C’est bien entendu spectaculaire, comme tout ce que nous voyons depuis bientôt vingt jours.
Nous entreprenons une marche d’une demi-heure en direction de la glace, à travers la vallée, nous ne sommes pas seuls, de nombreuses expéditions accompagnées par des guides, vêtues de tuniques semblables font de même. Le tourisme de masse est en marche ici aussi. À l’approche du glacier, nous nous arrêtons pour prendre quelques photos, admirer le bleue de la glace, mais aussi la saleté transportée par cette mer. En chemin nous croisons de nombreux groupes organisés préparant la montée sur le glacier. Bien-sûr, nous cherchons à aller le plus loin possible nous aussi mais sans payer... C’est notre devise ! Mais nous n’irons pas plus loin que la base du glacier, il faut obligatoirement un équipement spécial, en l’occurrence des crampons métalliques à mettre sous les chaussures, et un guide accrédité pour vous accompagner.  Cela est semble-t-il très dangereux, avec de nombreuses crevasses, et des blocs de glaces pouvant vous tomber sur la tête ! Si le danger potentiel est en lien avec le nombre de panneaux que nous voyons alors il y a véritablement un grand danger. Une barrière métallique nous interdit d’aller plus loin, ainsi s’arrête notre aventure au Franz Joseph Glacier.
Nous redescendons au campervan nous mettre à l’abri, car un léger crachin vient contrarier nos projets de piquenique. Vers quatorze heures nous repartons en direction de Haast qui marque la fin de notre descente sur la West Coast. Un panneau nous indique que la prochaine station-service est à cent vingt kilomètres, c'est-à-dire à Haast . Cette fois-ci nous avons ce qu’il faut, pas d’inquiétude nous pouvons rouler. Nous reprenons donc la route en laissant toujours la côte à quelques kilomètres. Les paysages sont similaires à ceux vu le matin, nous sommes toujours dans le parc. De temps en temps la route se rapproche de la mer Tasman et au détour d’une crique où d’un estuaire nous découvrons un lieu paradisiaque peuplé d’une ou deux maisons. Les Kauris refont leurs apparitions dans une forêt primaire toujours aussi dense et humide.
Sur les vingt derniers kilomètres avant Haast, la route longe à nouveau la mer. Nous la surplombons et le spectacle est à couper le souffle. Une aire de repos offrant un point de vue sur la plage et des falaises noires abruptes tombant dans la mer toujours en furie nous permet d’admirer  une dernière fois la mer Tasman.
Nous arrivons à Haast vers quinze heures trente. La ville marquée en gras sur toutes nos cartes routières, s’avère être un village d’une centaine d’âmes. Après vérification c’est une erreur, il y a deux cent quatre-vingt-dix-sept personnes qui vivent ici, perdues au bout du monde.  Une pompe à essence tout droit sortie de No country For Old Men nous permet de faire le plein. Personne ne parle, l’intérieur est un capharnaüm rempli de matériel de pêche avec quelques denrées alimentaires de première nécessité. Il semble aussi possible de boire et de manger, nous n’en faisons rien, nous payons et partons en direction de la plage. Après une rapide analyse de la situation et à la vue du lieu nous décidons de quitter cette capitale pour nous avancer en direction de la ville de Wanaka distante d’environ cent trente kilomètres.
C’est l’entrée du chemin des montagnes, c’est ainsi que les gens d’ici appellent cette partie de la SH6 qui quitte définitivement la côte pour traverser  l’île du Sud d’Ouest en Est, elle est relativement récente puisqu’elle n’a qu’une trentaine d’année. La route grimpe progressivement le long de la Haast river pendant une cinquantaine de kilomètres jusqu’à la Haast pass à six cents mètres d’altitude. Aux sommets couverts de neige succèdent des parois rocheuses dénudées, puis de spectaculaires vallées boisées longeant la rivière, c’est encore une fois féérique, nous ne croisons personne. La route redescend ensuite légèrement pour nous amener sur une sorte de plateau alpin. Sur quarante-deux kilomètres nous longeons le lac Wanaka merveilleusement découpé et alimenté par d’innombrables petits ruisseaux et de petites cascades, totalement sauvages. Tous les cinq kilomètres nous nous arrêtons pour prendre des photos, fumer une cigarette et contempler ces paysages. C’est magique. Comme dira Thierry : On fait le plein de fonds d’écran, car les appareils photos crépitent. Pendant ces cent-trente kilomètres nous ne voyons personne si ce n’est deux ou trois hameaux de quelques maisons. L’arrivée  nous offre, encore une fois,  un paysage somptueux. D’un côté, le lac de Wanaka, s’enfonçant dans l’ancienne vallée glaciaire, de l’autre la Rivière Matukituki qui, après un voyage de trente kilomètres depuis le Mount Aspiring national Park, vient se jeter dans le lac.
  Il est temps d’arriver, cette journée est la plus longue de notre périple, puisque nous avons fait près de quatre cents kilomètres depuis Hokitika ce matin. Heureusement, la beauté et la diversité des paysages observés offrent un spectacle envoutant, évitant toute monotonie.
Nous arrivons à destination dans la ville de Wanaka vers dix-huit heures trente. Celle-ci est encore animée et ressemble à un vrai village de montagne. Il y a encore un peu de monde et un peu d’animation dans les rues et aux terrasses des bars et des hôtels. Les premières impressions nous donnent à penser que c’est un lieu de villégiature prisé et réservé à une clientèle huppée. La décoration et l’architecture indique une recherche d’esthétique raffinée. Sur les rives en bordure du lac sont plantées de magnifiques saules avec autour des parterres de fleurs imposants. Tout semble aménagé pour recevoir du monde hiver comme été. Nous croisons quelques véhicules avec des skis sur la galerie, les grandes stations néo-zélandaises se trouvent tout autour de la ville. C’est le Courchevel néo-zélandais qui accueille tout l’hiver des touristes australiens et locaux offrant les plus belles pistes de ski de l’hémisphère sud. Il y a même un aéroport international qui se trouve à quelques kilomètres.
Nous traversons la ville sans nous arrêter suivant les panneaux indiquant l’Holidays Park du coin. Il est situé à l’extérieur et sur les hauteurs de la ville et nous voulons nous installer avant la nuit. Le camping accueille un petit peu de monde, nous nous posons sur les hauteurs, nos voisins sont Irlandais et fiers de le revendiquer,  un magnifique drapeau vert flotte sur leur campervan. Ne voulant pas être en reste, Alain fait de même avec notre drapeau tricolore. Incontestablement, nous sommes très fatigués par le périple de la journée et décidons de rester là et de ne pas sortir dans une ville qui semble pourtant festive en cette fin d’hiver..
Chacun va à tour de rôle se doucher pendant que le repas mijote avec pour ce soir, pommes de terre au four avec l’immanquable steak néo-zélandais de quatre cent grammes par personne.
Au retour de la douche et tout à fait fortuitement, Thierry touche un interrupteur à l’arrière du campervan placé au-dessus de son lit. Instantanément un air froid sort des caissons placés à l’arrière de l’engin sous le lit. Cet air nous interroge, Pourquoi de l’air ?  Nous examinons  l’interrupteur sous toutes les coutures et nous constatons qu’une petite roue crantée ressemblant à un thermostat indiquant la température permet de commander la température de l’air qui s’échappe de la bouche d’aération.
Tout bêtement, nous tournons donc le thermostat sur le numéro  vingt et au bout de quelques minutes de l’air chaud, formidablement chaud, sort de ce que nous pensions être une  vulgaire et inutile bouche d’aération.
C’est ainsi qu’au bout de dix-huit jours de route et après avoir grelotté de nombreuses nuits, nous découvrons que notre véhicule de location dispose d’un chauffage tout à fait adapté aux températures rencontrées. Nous n’avions pas bien écouté le jour où nous avons pris possession de l’engin.
Il n’est plus question de sortir, dans la chaleur cotonneuse avec l’aide de quelques bières Tui et de notre nouveau breuvage fétiche, le cidre nous attaquons notre désormais légendaire coinche.
Le cidre Old Mout est typiquement Néozélandais, il tire à huit degrés d’alcool. C’est surprenant et redoutable mais euphorisant. Après quelques centilitres absorbés les commentaires se sont faits plus acides et dans le déluge de rhétorique sophistique quotidien nous gagnons la partie endiablée et le faisons savoir à une grande partie du camping.
Dans la chaleur cotonneuse du campervan nous nous couchons avec le sourire.


                        Mercredi 28 Septembre
Wanaka- Christchurch
                            TEKAPO
                                                                        Nous avons dormi comme des bébés dans la moiteur de nos couchages. Ce matin il n’y a aucune humidité à l’intérieur de notre campervan et la température doit être proche de dix-huit degrés pour quatre degrés à l’extérieur. Quel bonheur que d’avoir enfin du chauffage.
     Face à nous, un beau soleil printanier éclaire le Mount Aspiring National Park, les sommets enneigés nous rappellent que l’hiver n’est pas bien loin, la luminosité et les couleurs sont splendides. En contrebas, la brume matinale se dissipe lentement, laissant apparaitre le lac Wanaka, enfin derrière nous, encore à l’ombre, des centaines de moutons paissent dans les prairies avoisinantes du camping : C’est la Nouvelle-Zélande.
 L’humeur à l’intérieur de la communauté des occitans in New-Zealand se transforme indiciblement, le retour approche annonçant la fin d’une belle aventure. Aujourd’hui est la dernière grande étape de notre voyage, nous terminons la traversée d’Ouest en Est de l’île du Sud pour rejoindre l’océan Pacifique. Même s’il est encore tôt pour faire le bilan, nous pouvons déjà écrire que notre voyage s’est bien passé et que nous avons bien géré la promiscuité. Bien sûr, il y a eu des moments de tension, mais très peu, aucun vrai conflit, hormis à la coinche.
Après un petit-déjeuner copieux, nous quittons les hauteurs de notre camping pour redescendre sur la ville de Wanaka que nous n’avons fait que traverser la veille, sans prendre le temps de nous y arrêter.
C’est n’est pas la station de ski pleine de charme aux allures d’un petit village montagnard telle que nous l’avons imaginé la veille en la traversant que nous trouvons. Pour la première fois nous sommes dans un authentique village touristique où les commerces rivalisent d’ingéniosité pour attirer le chaland. De nombreuses activités de plein-air sont proposées et les nombreuses boutiques de mode et de luxe vous aident à vous habiller et à vivre comme tous les nantis de la planète terre du Nord au Sud. Dans le centre du village, de petits restaurants magnifiquement décorés dans un style purement montagnard viennent couper la monotonie de l’alignement. Pour la première fois, nous remarquons  quelques magasins de fourrure et une épicerie fine nous invitant dans le grand luxe mondial. Caviar, champagne, foie gras du  Gers à cent vingt dollars la boite de trois cents grammes et du Ricard à cent dollars. Du Ricard avec du foie gras, quel manque de goût, la connerie des riches est sans frontière, le luxe c’est Ricard Cacahuètes. Le village n’est pas bien grand mais conserve l’architecture de ce qui fait la spécificité des tous les villages kiwis; à savoir que la zone commerciale est le centre du village avec quatre rues perpendiculaires, les unes aux autres, et un grand centre commercial en son centre. Sur la périphérie proche, des hôtels et autres logements de vacances et enfin sur le deuxième cercle une multitude de maisons individuelles dans de petits parcs boisés et magnifiquement entretenus. 
Après avoir fait nos courses alimentaires au New-World local et flânés quelques peu dans les rues de la ville nous décidons de partir à la vue des prix prohibitifs pratiqués, nous achèterons les souvenirs à Christchurch. Il nous reste encore suffisamment de temps pour acheter Le cadeau.
Nous quittons Wanaka en direction du Mont Cook, ou l'Aoraki, en maori qui est le point culminant de la Nouvelle-Zélande du haut de ses trois mille sept-cent-cinquante-quatre mètres, perché au-dessus du glacier Tasman. Nous reprenons la SH6 sur quelques kilomètres le temps d’observer l’aéroport de la ville d’où s’élèvent d’immenses hangars en tôle ondulée abritant une collection de réputation internationale de vieux avions de guerre. La SH6 continue vers le Sud en direction des grandes villes de Queenstown puis d’Invercargill qui se trouvent à l’extrémité Sud de l’île. Après c’est le pôle Sud. Cette route longe le National Park du Fiordland qui se situe au sud-ouest de l’île du Sud. C’est le plus grand des quatorze parcs nationaux du pays avec une superficie de douze mille cinq cents  kilomètres carrés, (Pour mémoire, le Tarn en fait cinq mille sept cents) faisant partie bien entendu du patrimoine mondial de l'UNESCO. C’est ici qu’on trouve le légendaire Milford Sound, avec ses eaux peuplées de phoques, de dauphins et de baleines et que nous ne les verrons pas hélas.
Nous prenons donc une nouvelle nationale, la SH8 en direction de Christchurch à l’Est de l’île. C’est la première intersection que nous trouvons depuis cinq cents kilomètres et pour la première fois depuis que nous sommes dans l’île du Sud nous changeons de bassin versant, immédiatement nous remarquons que la végétation s’est profondément modifiée. Si à l’horizon nous observons toujours les paysages enneigés des Alpes,  la route que nous empruntons est une succession de lignes droites traversant un immense plateau désertique recouvert de tussoks au milieu des  prairies jaunies par l’hiver que le printemps n’a pas encore reverdit. La traversée de ce plateau nous prendra deux bonnes heures et cent-cinquante kilomètres au compteur.
Ce plateau est légèrement vallonné, quelques fois, il prend  de la hauteur sur deux ou trois virages, c'est-à-dire une dizaine de kilomètres, avant de culbuter sur un nouveau plateau tout aussi immense. Les routes sont toutes droites sur des kilomètres, nous n’avons pas la sensation d’avancer, nous sommes comme enfermés dans un tableau  naturel. Aucun village, aucune ferme, il n’y a rien, c’est un désert, il n’y a même pas un mouton. L’absence de ces animaux ne semble due par contre qu’à la période, car même dans ces contrées désertiques les clôtures sont nombreuses et pas une seule prairie n’en est  dépourvue.
Nous arrivons dans la première ville rencontrée depuis plus de cent  kilomètres : Twizel. L’histoire de cette ville résume assez bien ce qu’est la Nouvelle-Zélande. Nous sommes donc sur le plateau central de l’île du Sud et la ville se situe sur les bords du plus grand fleuve de l’île du Sud: Le Waitaki. En 1968, le gouvernement lance un grand projet hydroélectrique pour alimenter en électricité l’île du sud. C’est à  cette date que nait Twizel. C’est une ville champignon fondée par les ouvriers et les techniciens qui construisent le grand complexe hydroélectrique. Jusqu’à six mille personnes y ont vécu pendant plus de dix ans et quand en 1980 le chantier prend fin, la ville est vouée à disparaitre. Une partie du personnel qui a vécu pendant dix ans sur le site décide d’y rester et de vivre de l’agriculture et du tourisme. C’est ainsi qu’aujourd’hui la ville de Twizel continue d’exister avec un millier d’habitant perdus au milieu de nulle part.
  Nous ne nous arrêtons pas à Twizel, par contre nous admirons l’immensité de l’ouvrage et la complexité des longs canaux et des conduites forcées alimentant l’usine électrique. La couleur de l’eau parait irréelle et pas du tout naturelle, cela ressemble à une couleur lait-menthe bleue. Après enquête culturelle poussée à travers nos guides de voyage, nous apprenons qu’il s’agit de poussières de roches calcaires déversées dans ces lacs par l’action des glaciers sur la roche. La zone du bassin du Mackenzie est traversée de plusieurs rivières descendant des Alpes formant de nombreux lacs sur le plateau. Sur cette immense steppe de cent kilomètres de long et sur quarante kilomètres de large, seulement  trois mille personnes y vivent. Une fois de plus nous trouvons des paysages uniques ne ressemblant à rien de comparable vu depuis notre arrivée. Au milieu de nulle part, nous nous arrêtons au bord d’un petit lac où se trouve, isolée, une ferme à saumons. Le soleil est toujours présent mais le vent violent et le froid sec ne nous incitent à ne pas rester trop longtemps à l’extérieur. Nous achetons un gros morceau de saumon fumé en compagnie de deux ou trois autochtones qui achètent des morceaux frais de saumon. Ce doit être la seule poissonnerie à cent kilomètres à la ronde, mais nous ne mangerons pas sur les tables aménagées en bordure du lac, c’est impossible, il fait top froid.
Pendant de nombreux kilomètres nous cherchons un lieu abrité pour déjeuner, la faim se faisant de plus en plus pressante, n’y tenant plus, nous bravons le froid et le vent pour nous arrêter en bordure du lac Pukaki, sur une aire aménagée avec un grand parking à proximité du centre d’information touristique du lac. Des tables sont disposées en bordure du lac et nous invitent à prendre place. Face à nous, au pied du lac, le seigneur du pays: Le mont Cook. C’est dans ce décor de carte postale que nous dressons la nappe et déjeunons copieusement. Nous vidons notre frigidaire. Avec le saumon fumé, nous mangeons des avocats néozélandais excellents, de la salade à base de choux: Le Coleslaw, les ricains ne sont jamais très loin, de la charcuterie et du fromage, le froid nous contraint à boire deux bouteilles de rouge au lieu d’une comme nous l’avions envisagé.
Adossés aux tables, face au lac, nous fermons les yeux  pour profiter de la chaleur du soleil accentuée par la  réverbération sur le lac qui est d’une clarté turquoise étincelante. Tout  au fond, le panorama majestueux du mont Cook se découpant  dans un ciel  bleu éclatant. Aucun bruit,  pas de voiture, nous savourons l’instant.
L’arrivée d’un bus garni de touristes néo-zélandais vient interrompre ce moment de farniente. Les passagers envahissent le centre d’information touristique du lac et nous sortent définitivement  de notre torpeur printanière. Nous quittons rapidement les lieux tout en remarquant qu’ici aussi, pour un retraité survivant, elles sont quatre.
Nous reprenons la route en direction du lac Tekapo distant d’une cinquantaine de kilomètres. C’est le petit cousin du lac Pukaki, même couleur turquoise de l’eau et même panorama, avec le Mont Cook et la chaine de montagne des alpes, tout au bout du lac. Nous nous arrêtons au village de Tekapo faire un dernier plein d’essence et boire un café dans un magasin de souvenirs en bordure du lac. Ce village touristique est un lieu de villégiature prisé des habitants de l’île du Sud. La population au dernier recensement comptait trois cent trois habitants. C’est minuscule et adorable, le lieu est très connu car il possède un des monuments le plus photographié du pays : L’église du bon pasteur, située sur les berges du lac. Elle est isolée et dispose d'une grande baie vitrée derrière la nef offrant aux visiteurs une vue splendide du lac et de la chaine de montagnes à l’horizon. C’est l’attraction touristique majeure du coin et c’est très beau.
Nous reprenons la route pour nos derniers kilomètres en direction de Christchurch. Progressivement nous quittons les plateaux du Canterbury pour descendre dans la plaine côtière de piémont. La route est nettement moins belle, nous longeons des vastes plaines  entièrement couvertes de champs et de prairies dévolues au pâturage et aux cultures. D’immenses troupeaux d’ovins et bovins se succèdent laissant de temps à autres la place à des rivières dont le lit est entravé par des bancs de graviers venus tout droit des montagnes alpestres. Nous faisons une halte dans un petit village répondant au joli nom de Caroline. Nous visitons une fabrique de pulls mérinos made in New-Zealand. Les prix pratiqués et certainement justifiés nous empêchent de pouvoir ramener ces objets chez nous en guise de souvenir. Le moindre pull vaut entre cent-cinquante et deux cents dollars néo-zélandais soit cent à cent cinquante euros. Nous buvons un coup dans une taverne, en terrasse en compagnie d’un magnifique kiwi de cent-cinquante kilos en short et en botte en caoutchouc sortant de sa ferme pour se désaltérer. Nous buvons deux pintes de Steinlager, la bière locale, sous un soleil déclinant nous rappelant qu’il est temps d’y aller.
Christchurch n’est plus très loin, c’est la fin de notre voyage, l’enthousiasme nous gagne nous accompagnons le Boss à Dublin. Nous traversons une grande zone commerciale périphérique d’une dizaine de kilomètres avant d’atteindre la capitale du sud de la Nouvelle-Zélande. Il est dix-huit heures et la circulation n’a pas la densité de ce que nous pouvons trouver sous nos latitudes. Il y a tout de même un peu de monde, des bouchons et des feux rouges. Ce sont les premiers depuis plus de sept cents kilomètres.
Trouver un camping, malgré nos plans en main, s’avère complexe. Nous tournons pendant près d’une heure avant de trouver le quartier de Papanui où est niché notre dernier Top Ten Holiday Park dans la périphérie de la ville. La tension est montée d'un cran, car bien entendu personne ne lit le plan de la même façon, à l’exception de Jean-Luc qui observe la ville, détaché des tensions et du conflit. Le camping est un des plus grands campings trouvé dans le pays depuis le début de notre périple et est abondamment garni de nombreux supporters venus encourager diverses équipes nationales pendant  la coupe du monde. Il n’y a pas de français, ils sont tous restés sur l’île du Nord, les cons.
La deuxième surprise est en lien avec le terrible tremblement de terre du 22 février 2011 dont nous pensions trouver de nombreuses cicatrices. Nous ne voyons aucune séquelle si ce n’est en cherchant bien, quelques murettes détruites, des maisons abîmées, fissurées avec des pieds droits soutenant éventuellement un pan de mur, mais rien de vraiment spectaculaire. Nous sommes donc très sceptiques sur la réalité de ce tremblement de terre, mettant en doute les informations données par nos grands médias toujours avides de sensationnel. A notre arrivée au camping, l’hôtesse de l’accueil nous a donné un plan de la ville en nous précisant que la partie centrale de la ville est totalement bouclée et que nous ne pouvons y pénétrer. Nous imaginons que ce sont uniquement des mesures de sécurité pour éviter tout accident.
La nuit est tombée sur la ville, fatigués par ces trois longues journées de route, nous n’avons pas le courage de repartir en ville chercher un restaurant et encore moins l’envie de sortir boire un coup. Nous décidons donc de rester là ce soir et de manger une fois de plus dans notre demeure. Alain et Thierry refusent de prendre la campervan pour retourner en ville faire les courses, ils partent donc à pied  munis de leurs sacs à dos. L’hôtesse nous indique une grande surface qui se trouve à un quart d’heure de marche du camping. Pendant ce temps avec Jean-Luc nous préparons le repas et alimentons en photos et en textes notre blog pour donner quelques nouvelles. C’est la dernière fois : Ouf !!!
Enfin installés, le chauffage à fond, la soif nous tenaille. Le temps que nos deux comparses reviennent cela risque d’être long, alors, comme à la réception du camping, nous avons repéré un frigidaire remplis de boissons à emporter, je mis rends pour acheter une bouteille de vin blanc néo-zélandais sans le dire à Jean-Luc lui faisant la surprise.
Je ramène ma bouteille de sauvignon, exhibant celle-ci comme un champion à qui on remet la coupe,  Jean-Luc s’en lèche les babines, je pose le précieux flacon sur la table et le temps de me tourner pour saisir deux verres, elle glisse inexorablement sur le rebord de la table et se fracasse sur le sol du campervan; Il était en pente.
Immédiatement, avec Jean-Luc nous saisissons tous les torchons et les rouleaux de sopalins que nous trouvons pour éponger au maximum le liquide qui se répand dans tous les recoins du campervan. Il est trop tard, le mal est fait, cela va rajouter de nouvelles odeurs à notre lieu de vie, qui commence sérieusement à empester. Entre le linge sale, les draps qui depuis trois semaines  subissent toutes les nuits les assauts répétés de nos flatulences et nos serviettes de toilettes constamment humides cela commence à faire beaucoup, heureusement il ne reste que deux nuits à vivre dans ce cloaque. Jean-Luc repart dont chercher une nouvelle bouteille de vin à la réception pendant que je termine de nettoyer le camion. Cette fois-ci il prend un chardonnay, que nous apprécions à sa juste valeur, il est donc excellent.
Thierry et Alain reviennent des courses avec deux magnifiques entrecôtes de cinq cents grammes chacune que nous faisons cuire au BBQ collectif du camping.  Cela a l’avantage de ne pas rajouter d’odeurs de cuisine à l’intérieur de notre véhicule. Une fois de plus nous trouvons ces campings vraiment bien conçus et celui-ci l’est particulièrement. Cuisines spacieuses, nombreux frigidaires et congélateurs mis à disposition, salles à manger et salles de repos avec télévision et ordinateurs permettant de se connecter à Internet via une petite pièce d’un dollar pour dix minutes. C’est vraiment parfait. Nous dégustons nos steaks dans la salle à manger mais nous ne trainons pas car la fatigue tombe. Nous rentrons dans la douce chaleur de notre campervan nous reposer et faire une de nos dernières coinches. Avant,  Alain profite des dernières unités restantes du téléphone collectif pour appeler sa douce moitié restée au pays.
Alors qu’il partait avec beaucoup d’enthousiasme, il revient relativement dépité, Patricia vient de le tancer, lui reprochant de n’avoir donné que peu de nouvelles. Elle  n’a surtout semble-t-il,  que très moyennement apprécié la carte postale envoyée par les amis dont le jeu consistait à ce que les trois compagnons écrivent à la compagne du quatrième sans que celui-ci sache ce qui était écrit. Bref ce qui s’annonçait comme une fête ne fut pas une réussite. 
Cela s’en ressent dès la première donne, Alain est colère. Inénarrable partie qui voit Alain sous tension en permanence à la limite de l’agression vis-à-vis de ses adversaires. Le fils de bistrotier perd son fairplay  légendaire se muant en tueur de comptoir. La partie est acharnée la tension palpable, pour la première fois, j’ai peur, Alain insulte mon Sporting Club Graulhétois, il raye mon jeu et emploie à mon égard un ton que je ne lui ai jamais connu. Thierry se chie dessus et ne dit plus rien, Jean-Luc s’inquiète de savoir si nous rentrons en France à quatre. Finalement rien n’y fit, je l’avais bien mis en colère mais nous avons encore perdu putain.
Nous terminons la partie, les commentaires et la bouteille de cidre fort tard. Quand nous nous couchons la pendule indique plus d’une heure du matin, ce n’est pas dans nos habitudes.  Nous sommes merveilleusement bien au chaud dans la douceur paisible de notre campervan.


Jeudi 29 Septembre 2011
Christchurch
                        L’Apocalypse
                        C’est notre dernière journée en Nouvelle-Zélande, nous avons choisi de la consacrer à la visite de la ville et à l’achat des derniers souvenirs. Curieux, nous voulons voir les séquelles du tremblement de terre, découvrir les dégâts commis par les convulsions de la plaque tectonique du pacifique, même si cela a incontestablement un côté indécent et nous interroge sur la nature humaine.
Du fait de l’éloignement de notre camping du centre-ville de Christchurch qui se trouve à près de cinq kilomètres nous sommes obligés de prendre un véhicule. Nous optons pour les transports collectifs et pour une fois, nous laissons notre campervan se reposer. Pendant les cinq milles kilomètres et les vingt jours de promenade, il ne nous a jamais trahis, nous faisant visiter son pays sans jamais rechigner à la tâche  malgré une conduite des plus viriles pratiquée par Alain et malgré un Telma caractériel. Il mérite ce repos.
L’arrêt de bus face à l’entrée du camping, nous oblige à avoir notre première négociation de la matinée. Nous mettre d’accord sur les indications numérologiques sur les horaires et savoir dans quel sens nous devons partir. Nous prenons le bus qui s’appelle ici étrangement le métro et nous descendons vers la ville en suivant la longue avenue de Cranford Street avant de tourner sur le boulevard périphérique de Bealey Avenue qui longe le centre-ville.
Pendant ces premiers kilomètres l’impression de la veille ne s’estompe nullement, les dommages causés par le séisme semblent minimes, quelques murettes en briques sont par terre et quelques maisons sont légèrement endommagées. Le plan nous informe que le terminus du bus est désormais sur ce boulevard et que nous devons continuer à pied. Nous sommes à environ un kilomètre du centre. À la descente du bus nous observons que les stigmates du tremblement de terre sont plus présents. Des maisons beaucoup plus abimées apparaissent dans des rues adjacentes, quelques toits sont légèrement effondrés, des murs sont lézardés et des menuiseries broyées, mais ce sont surtout les vieux bâtiments qui semblent avoir le plus soufferts. L’église Knox à l’architecture néo-gothique typiquement anglo-saxonne  tout à côté de l’arrêt du bus est en partie effondrée. Les embrasures des vitraux et le pinacle sont étayées pour éviter l’effondrement total de la bâtisse. Nous commençons à comprendre.
 Nous longeons ensuite l’avenue pendant quelques centaines de mètres avant de traverser l’Avon river et de bifurquer vers le centre à travers le grand jardin botanique de la ville où sont organisées quelques animations autour de la coupe du monde de rugby.
Christchurch et la province du Canterbury sont des lieux incontournables du rugby néo-zélandais. Les plus grands joueurs viennent de cette région de Richie McCaw en passant par Dan Carter sans oublier l’entraineur des All-Blacks : Graham Henry, tous issus des écoles de rugby locales. Un nombre important de matchs dont une demi-finale devait se dérouler dans la ville, nous devions voir un match de poule le vingt-cinq septembre : Argentine-Ecosse. Hélas, les dégâts irrémédiables causés par le séisme ont obligé les organisateurs à reporter  tous les matchs prévus dans différentes villes du pays dont une grande partie dans l’île du Nord.
Malgré cela, les organisateurs ont voulu maintenir quelques animations pour tenter d’oublier le terrible drame et pour participer à cette grande fête nationale. Au milieu de ce grand parc, nous constatons une pelouse bosselée lui donnant une allure de terrain de golf alors qu’à  l’évidence ce devait être un ensemble de terrains de rugby totalement plats quelques mois auparavant. Les nombreux lampadaires entourant l’ensemble, ressemblent à la tour de pise et penchent dangereusement. Un immense groupe électrogène semble avoir pris le relai d’une infrastructure électrique défaillante.
En arrivant aux abords des installations dressées pour la circonstance, nous constatons que cela est limité à deux grands chapiteaux et d’un petit terrain de rugby autour duquel de simples tribunes amovibles ont été dressées, un écran géant complète le tout. Sans dire un mot, une étrange sensation nous envahit. Il y a très peu de monde, nous ne croisons pas grand monde et un silence pesant plombe le lieu. Une cinquantaine d’enfants, garçons et filles, accompagnés d’une dizaine d’adultes jouent au rugby sur le petit terrain aménagé. À l’intérieur d’un chapiteau une autre classe d’enfants joue autour d’un parcours organisé autour d’appareils de musculation ou d’ateliers techniques en lien avec le rugby.
Les enfants jouent sans retenus, mais les rires et la joie sont absents, les adultes sont ailleurs, ils s’efforcent de donner un peu de bonheur, mais l’enthousiasme propre à ce genre d’évènements n’est pas là. Les visages sont graves. Nous restons une petite demi-heure pour visiter l’exposition organisée dans le dernier chapiteau. De façon circulaire nous suivons chronologiquement l’histoire du rugby et de la coupe du monde, à travers une dizaine de stands. Ce sont dix salons, représentant les intérieurs d’une maison néo-zélandaise écoutant ou regardant un match des All-Blacks. Objets d’époque exposés, soignant les détails, du canapé au journal avec un poste de radio commentant un match des blacks en Angleterre en 1950 jusqu’à une télévision retransmettant le France-Black de 2007. La même impression qu’à l’extérieur est perceptible, il y a peu de monde et les gens parlent doucement et ne semblent pas très concernés par ce qu’ils voient. Nous quittons le village et nous prenons quelques photos au pied d’une immense copie de la coupe, haute de près de cinq mètres et que tout un peuple attend.
En sortant du parc nous accédons à la grande avenue qui nous dirige vers le centre. Face à nous, une nouvelle église et un grand collège ressemblant étrangement à celui de Poudlard. C’est le lycée de Christchurch. Nous croisons de jeunes lycéennes et lycéens qui entrent et qui sortent vêtus  d’un short ou d’une jupe assortie à une veste rayée du plus bel effet sans oublier la casquette. La tradition anglo-saxonne est bien présente, faut dire qu’ils n’ont pas de chance, c’est le collège du Christ : Here it’s Christ Collège…
Sur le trottoir, une cinquantaine de grandes photographies de deux mètres sur deux sont exposées permettant aux promeneurs d’admirer la terre vue du ciel, il s’agit d’une exposition de notre Yann Arthus-Bertrand national. Face au collège,  l’église qui s’avère être le musée du jardin botanique. Il a subi les affres du séisme. La toiture est endommagée et la flèche a été déposée par terre, elle n’a pas résisté aux secousses, mais cela n’est rien à côté de ce qui nous attend à l’angle de la rue perpendiculaire censée nous conduire vers le centre de la ville.
Le choc, l’impression de pénétrer dans les studios hollywoodiens d’un film catastrophe. Le centre de la ville est dévasté, d’immenses immeubles sont fissurés voir partiellement détruits, des pelles mécaniques et des bulldozers s’activent dans un vacarme assourdissant à raser ce qui est encore debout. Des pans de murs pendent, ballants accrochés au néant attendant de tomber sur un sol disloqué. Nous prenons cette rue sur une centaine de mètre sans dire un mot. Aucune voiture et aucune âme qui vive si ce n’est les conducteurs des engins concentrés à détruire les restes. On ne distingue que des gravats et le bruit des marteaux piqueurs et des pelles mécaniques, il n’y a rien d’autre.
Au bout de la rue, nous retrouvons l’Avon river qui a fait une grande boucle et qui vient rejoindre le centre-ville, théoriquement c’est par le pont qui enjambe le fleuve que nous pénétrons dans le cœur de ville. Cashel Street est la grande rue commerçante de Christchurch, elle est fermée par des barrières grillagées de chantier au niveau du pont. Quelques gerbes de fleurs, des photos et des textes ont été accrochés par des anonymes pour rendre hommage à un proche disparu. Dans un silence religieux quelques personnes se recueillent et regardent la ville hébétés et impuissants.
Le silence est lourd et pesant, de l’autre côté du fleuve on devine les devantures des cafés renversées et les grandes tonnelles déchirées donnant  l’impression que le tremblement a eu lieu hier, rien n’a bougé depuis la catastrophe. Les équipes de secours sont focalisées sur les bâtiments dangereux, le reste attendra. Il n’y a aucune voiture qui circule, ce qui renforce le silence indescriptible qui nous glace un peu plus. Tout le centre-ville est interdit d’accès, des  check-points sur tous les carrefours qui encerclent le centre sont gardés par des militaires. Seuls des engins de chantier et quelques officiels ont des laissez-passer.
C’est un paysage dantesque et effrayant, de nombreux bâtiments sont éventrés, d’autres ensevelies, des rues sont déchirées sur plusieurs dizaines de mètres ou transformées en chantier tellement elles se sont soulevées. Sur les murs ou les vitres de certains immeubles, à l’aide de bombes de peinture, il a été écrit : 21/02/2011 12 :51. Pendant plus d’une heure nous contournons les barrières métalliques pour essayer d’entrer dans le centre-ville: C’est impossible.
Autour de nous, nous croisons quelques personnes qui se promènent, dans un silence toujours aussi pesant. Comme perdues, elles errent le long des barrières sans dire un mot, certaines pleurent, c’est terrifiant.
Un des rares bâtiments à être encore debout est le Casino de la ville qui affiche son indécence à travers quatre grosses lettres apposées sur sa devanture: OPEN. Le système capitaliste, l’appât du gain, la connerie humaine, poussée à l’extrême. On peut donc encore jouer du pognon au milieu de ce paysage apocalyptique et de ce désastre humain. Certains me direz-vous vendaient du beurre aux allemands…     
Tout au long de cette promenade nous prenons des photos et filmons les spectaculaires dégâts avec  une certaine gêne, ne sommes-nous pas  en train de faire du Paris-Match ? Nous parlons peu comme abasourdis par les images qui défilent sous nos yeux. Constatant que nous ne pouvons pas entrer dans la ville, nous décidons de rebrousser chemin, de quitter ce lieu de désolation et de recueillement et de trouver un endroit pour nous restaurer. Nous aurions voulu voir le port mais les rues fermées nous obligent à faire un immense détour à pied avec l’incertitude de ne pas y trouver un autre lieu de désolation.
Alors que nous sommes rassemblés autour d’un plan de la ville que nous avons beaucoup de mal à lire, deux charmantes dames, d’un certain âge, voyant que nous sommes perdus et que la tension monte d’un cran à l’intérieur du groupe nous proposent leurs services. Elles parlent un excellent français. Faisant la remarque, une des deux nous indique son origine basque, biarrotes plus précisément et grande amie de la deuxième chez qui elle se rend tous les ans. C’est la femme d’un dirigeant du rugby hexagonal.
  Nous échangerons longuement sur le rugby en général et plus particulièrement sur les inquiétudes concernant l’équipe de France. Elle nous fera part des petits potins à l’intérieur du groupe.
La deuxième personne nous explique qu’elle revient sur les lieux du drame. Elle travaillait ce jour-là à quelques dizaines de mètres en plein centre-ville. Elle est employée dans un bureau et nous restitue avec beaucoup d’émotion, l’ambiance qui régnait ce jour-là sur son lieu de travail. Elle nous raconte longuement comment la terre tremble et comment dans ces cas-là les personnes présentes réagissent.
Le premier sentiment qui se dégage à l’écoute de ses paroles est le sang-froid lié à l’habitude de ces gens quand ils sentent la terre se dérober sous leurs pieds. Faut dire qu’il y a de quoi être habitué ! Les chiffres sont éloquents : La Nouvelle-Zélande enregistre jusqu’à quinze mille secousses par an ! La deuxième impression qui se dégage de son récit est la fatalité, on n’y peut rien, c’est la nature, il n’y a aucun sentiment d’injustice dans ses paroles empreintes de beaucoup d’émotions.
  Elle nous raconte en détail et chronologiquement  comment dès la première réplique elle avait aperçu le pylône électrique derrière la fenêtre de son bureau au deuxième étage se mettre à osciller, avant de se rendre compte que ce n’était pas le pylône qui vacillait, mais le bâtiment dans lequel elle se trouvait. Elle a ensuite pris le risque de courir vers l’extérieur en prenant l’escalier dans un brouhaha indescriptible. Les vitres se brisaient une à une sous la torsion des murs et les systèmes d’incendie se mettaient en route inondant le bâtiment. C’est quand elle fut en sécurité à l’extérieur, qu’elle prit conscience de l’ampleur  du séisme en voyant des images de fin du monde. Les gens hurlaient, pleuraient d’autres étaient en sang, c’était la panique.
Comme nous lui demandions si le tremblement à proprement parler avait duré longtemps, elle nous répondit : moins qu’en septembre. À notre étonnement, elle nous relata le tremblement de terre du 3 septembre 2010 qui fut beaucoup plus puissant, mais dont l’épicentre se situait plus loin de la ville avec un hypocentre plus profond. Cela explique qu’il y ait eu beaucoup moins de dégâts et aucun mort. Pour celui-là on dénombre deux cent quarante morts. L’émotion est encore palpable dans sa voix et à plusieurs reprises elle reprend ses mots pour masquer des sanglots. Dans l’attente de la reconstruction des bâtiments, son entreprise est logée provisoirement dans la périphérie de la ville et elle a repris son travail. Elle reconnait tout de même que c’est très dur et qu’elle se pose beaucoup de questions quant à son avenir ici.
Après ces moments d’émotions et de compassion, nous quittons nos deux interlocutrices sans oublier de leur poser deux questions existentielles. Où pouvons-nous manger et où pouvons-nous acheter des souvenirs ? Il y a urgence. Très gentiment elles nous donnent quelques conseils pour le restaurant et le quartier où nous pouvons peut-être en trouver un, quant aux souvenirs, elles nous conseillent d’aller à l’aéroport ou dans un grand centre commercial situé tout au Nord de la ville…
 Nous repartons d’un pas décidé chercher le restaurant. Nous marchons longtemps, mais sans rien trouver de susceptible à contenter nos estomacs, il y en a bien quelques un,  mais ils sont à des prix prohibitifs. Comme à chaque fois dans ces moments-là, la tension dans le groupe est perceptible, tout le monde à faim et chacun y va de son idée. Nous remontons à pied pendant près d’une heure sur Papanui Road puis las de marcher, nous prenons le bus, car au bout de la rue, qui est encore très longue, il y a théoriquement le grand centre commercial où il peut être possible de trouver des souvenirs. Nous en déduisons qu’il doit y avoir aussi à manger.
Au bout d’un petit kilomètre, nous trouvons le centre commercial qui se trouve à l’angle de Papanuie Road et de l’avenue Main North Road, la même que notre camping. Thierry et Alain reconnaissent le super marché Countdown de la veille. Nous ne sommes donc pas loin du camping, ce qui nous permettra le cas échéant de pouvoir aller chercher notre campervan et aller à l’aéroport si nous ne trouvons pas notre bonheur ici. Pour l’heure, c’est notre panse que nous devons honorer.
Nous choisissons un grill café dénommé : The West Coast. À l’image de la région qu’il veut représenter, la décoration est raffinée très tendance nature. Au milieu du restaurant, coule une cascade de trois mètres de haut. Nous passons commanda auprès d’une serveuse très sympathique et très jolie En quelques minutes, le temps de boire la première pinte, la tension retombe, c’est ainsi. Il n’est pas de de bon ton, dans ce monde aseptisé de vanter les effets de l’alcool. L’ivresse est un sujet nourri de lieux communs, mais une fois de plus, je persiste et écrit, tant que cela m’est possible, que les  effets de l’alcool ont du bon quelques fois. En cet instant, nous sommes plus légers et détendus, nous perdons l’inhibition nous interdisant de plaisanter avec la serveuse, pour le plus grand bonheur de nos maxillaires, la bière est bonne et abondante, les moules aux lèvres vertes sont succulentes, les pates excellentes, les prix modérés bref nous sommes les plus heureux du monde. Nous évacuons Christchurch.
L’heure est au bilan, la fin du voyage approche, nous dégustons ce dernier repas pris dans un restaurant, demain à la même heure nous serons en route pour l’Australie. Nous payons avec les derniers dollars néo-zélandais de la caisse commune que nous avons gérés tout à fait correctement. Notre objectif de dépenser soixante dollars par jour et par personne est atteint même si cela nous a imposé une gestion rigoureuse et peu d’extras.
La bière coule et la nostalgie s’installe déjà.
Nous quittons les lieux pour aller chiner dans l’immense centre commercial doté d’une grande galerie marchande. Chacun dans son intimité va faire ses courses, nous nous croisons au hasard d’une vitrine, mais l’angoisse apparaît sur les visages. Il n’y a pas grand-chose, putain il me manque un souvenir pour…Rapidement la décision est prise, ce n’est pas ici que nous trouverons les derniers souvenirs.
Nous décidons donc d’aller à l’aéroport qui n’est pas très loin. Nous ferons le plein d’essence avant de ramener notre fidèle Mitsubishi demain matin à notre agence de location comme c’est prévu par le contrat de location. Nous allons aussi faire nos dernières courses pour notre dernier repas sur le territoire néo-zélandais.
Nous partons donc pour l’aéroport où nous trouvons effectivement les derniers cadeaux qui manquent à l’appel. Nous profitons du moment pour repérer les lieux car demain nous décollons et nous voulons éviter le stress toujours présent dans ces moments-là. 
Sur le chemin du retour de l’aéroport nous faisons le dernier plein  comme prévu puis nous achetons les aliments en prévision du dernier festin aux antipodes. Une  pizza et quatre bouteilles de vin Néo-Zélandais feront l’affaire. Chacun offrant sa bouteille à ses compagnons. Nous rajoutons une petite bouteille de cidre, quand même, et chacun paye sa part avec son argent. La caisse commune a vécue.
Arrivée au camping, nous ouvrons les coffres latéraux extérieurs du campervan pour sortir  nos valises qui n’ont pas bougé depuis près de trois semaines. Chacun range délicatement ses cadeaux emmitouflés dans son linge sale. Il faut de nouveau faire des choix et se délester de certains objets, car le poids de nos bagages risque de nous poser quelques soucis. C’est ainsi que j’abandonne une grande partie de mon matériel de pêche qui a fait cinq milles kilomètres par la route et vingt mille kilomètres par les airs et qui n’a jamais vu une rivière.
Notre dernière soirée en terre australe ne restera pas dans nos mémoires comme un moment exceptionnel. Nous avons été d’un grand classicisme, apéritif au vin blanc accompagné de quelques cacahuètes puis pizzas et Coinche à tous les étages pour finir dans la chaleur étouffante du camion.
Fatigués par la longue journée passée à marcher mais surtout  par les images encore présentes des dégâts causés par le séisme nous n’avons pas trop la forme et l’envie de plaisanter. L’idée que c’est fini nous taraude, dans trois jours nous reprenons nos vies professionnelles.
À vingt-trois heures nous allons nous coucher sous les quolibets d’Alain qui n’en finit plus de gagner. La partie fut tendue et l’humour et la galéjade qui ont animé les précédentes parties ont disparu au détriment de l’enjeu. Nous jouons comme des professionnels de la coinche, comme des footballeurs, il est temps de rentrer.




                            Vendredi 30 septembre 
                              Le retour  
                Ce matin tout le monde est debout à huit heures pour le dernier lever néo-zélandais, le petit déjeuner est expédié, nous terminons les restes alimentaires avant de nous consacrer aux tâches ingrates inhérentes aux conclusions d’un voyages. Rangement et nettoyage.
Tout le monde participe, les commentaires sont succincts, le collectif fonctionne à merveille, nous sommes efficaces mais l’ambiance ressemble à la météo du jour : maussade. Le camion retrouve une fraicheur qu’il n’a pas connue durant les trois semaines de voyage.
Alain est étrange, il converse avec deux supporters anglais, Jean-Luc épuise les dernières minutes de forfait du téléphone collectif pendant que Thierry range difficilement ses tee-shirts dans ses valises. L’avance prise la veille sur le timing nous permet d’être prêts à l’heure, à neuf heures trente nous quittons le camping pour nous rendre à l’agence de location du campervan.
C’est la dernière fois que nous roulons à droite, nous serrons les fesses, espérant n’avoir aucun souci sur ces derniers kilomètres. Comme prévu nous arrivons à l’agence à dix heures. L’état des lieux est expédié par l’employé qui nous reçoit en quelques minutes, il fait le tour du Mitsubishi et ne vérifie rien. La seule chose qui l’intéresse est un espèce de petit compteur positionné sur l’essieu arrière du campervan. C’est le compteur du gouvernement qui enregistre le nombre de kilomètres effectués et pour lesquels l’agence paye une taxe. À dix heures quarante-cinq l’employé nous transporte dans un van en direction de l’aéroport que nous atteignons un petit quart d’heure plus tard. A onze heures c’est terminé, nous sommes en partance.
Le repérage des lieux, la veille, s’avère utile, nous ne nous égarons pas et trouvons très rapidement les guichets affectés aux transports internationaux. Un premier contre temps vient perturber notre sérénité. Un sac, le mien dépasse largement les vingt-trois kilos autorisés. Pendant un bon quart-d’ heure nous transvasons des affaires de sacs en sacs les étalonnant sur une balance mise à la disposition des voyageurs.  
On ne peut pas dire que l’ambiance soit radieuse, si à l’aller une belle euphorie régnait dans la troupe ce n’est pas le cas au retour. On sent bien que tout le monde est déjà mentalement rentré au pays et que le rêve s’achève. Pas de fou rire, Thierry cherche bien à ranimer la flamme en achetant un jeu de cartes et nous proposant une coinche, mais personne ne répond à l’invitation. Il en profite pour acheter son énième tee-shirt et un livre en guise de souvenirs, nous trouvons enfin les cadeaux à ramener pour nos sponsors principaux, Feufeu et Michel. Chacun se promène et errent dans les couloirs de l’aéroport, l’attente est longue. La faim commence à se faire sentir, avec nos euros nous achetons quelques sandwichs et un gâteau : Une pavlova. C’est Le gâteau emblématique de Nouvelle-Zélande, c’est excellent, il était temps que nous le goutions. Tout au long du voyage, nous en avons vu partout, mais sans jamais en acheter, c’est fait, depuis hier mais c’est un peu tard, dommage. 
Affalés sur des fauteuils, regardant la télévision, nous attendons notre heure. Contrairement à l’aller nous ne voyons pas de supporters d’équipes de rugby présent à cette coupe du monde. Notre avion est annoncé avec une heure de retard ce qui nous inquiéte sérieusement dans la mesure où nous n’avons qu’une heure de transit à Sydney.  
Finalement nous embarquons à quinze heures avec plus de quarante minutes de retard dans un Boeing 777 qui semble tout neuf. Il est remplit de petits gadgets et de nombreux films en langue française. Alain, toujours aussi inquiétant, retrouve le comportement addictif de l’aller. Il met son casque et s’immerge dans la communauté cinéphile. Il enfile les films un à un sans prendre le temps d’observer quoi que ce soit. Il visionne deux films sur ce premier trajet. Nous admirons pour la dernière fois l’île du sud et surtout la traversée par les airs des alpes Néo-Zélandaises. Les terres néo-zélandaises disparaissent pendant que nous évoquons déjà des souvenirs du voyage. Alain imperturbable, ne se laisse pas distraire  devant le chef d’œuvre du 7ème art : THOR. 
Nous sommes toujours un peu inquiets de l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes : Avons-nous le temps d’embarquer pour Singapour. Dans un anglais très approximatif  nous expliquons la situation à l’hôtesse qui nous répond très gentiment qu’il n’y a pas de souci à avoir et que nous serons prioritaires pour sortir de l’avion.
À la descente de l’avion, nous comprenons que nous n’avons pas bien compris. Nous sortons donc sans être prioritaire, le temps manque nous allons louper l’avion, mais à notre arrivée sur le sol ferme australien, une personne vient à notre rencontre et nous demande de le suivre. Nous courons dans les couloirs de l’aéroport, passant par des portes dérobées pour pouvoir arriver à temps et embarquer à destination de Singapour.
Finalement nous sommes à l’heure dans le Boeing 747 de la Qantas puisque cette fois-ci c’est lui qui a cinquante minutes de retard. Nous décollons à dix-sept heures, heure locale mais à vingt heures à l’heure de Christchurch. Cela fait donc douze heures que nous sommes debout.
Cette première partie du voyage se passe sans encombre. Nous découvrons le Boeing 747 qui est monstrueux. De nouveau, de nombreux films nous sont proposés. Alain en visionne quatre, je me contente de regarder Potiche de F Ozon avec plaisir. Pour nous recaler dans le temps et ne pas trop subir le décalage, comme à l’aller nous luttons pour ne pas dormir dans cette première partie. Comme à l’aller cette première partie n’est pas trop difficile à supporter même si au bout de quelques heures des micros siestes nous surprennent un à un. Nous arrivons à Singapour vers minuit, heure de Sydney et à vingt heures, heure locale et à trois heures du matin heure néo-zélandaise. La nuit tombe,
Pour la deuxième fois, nous courons dans les couloirs de l’aéroport pour prendre l’A380 qui va nous amener à Londres. Il nous faut encore une fois rattraper le retard pris par le l’antépénultième vol. Nous entrons avec beaucoup d’appréhension dans ce monstre de technologie glorieux fleuron de l’industrie européenne. Nous sommes avec les pauvres du vol et sommes réduits à rester dans le ventre sur les quatre sièges du centre du fuselage. Au-dessus de nos têtes les riches s’installent pour treize heures de vol dans des fauteuils inclinés ressemblant à des lits.
Ce pénultième vol est comme nous l’avions redouté, beaucoup plus long et pénible. Treize heures de vol supplémentaires, cela fait beaucoup. L’avion est quasiment plein et cette fois-ci nous voyageons de nuit, donc il n’y a rien à voir à l’extérieur. Nous cherchons vainement à dormir mais cela reste difficile. Le service est quasi parfait, nous passons notre temps à manger, entre les quatre repas complets servis par les hôtesses et les en-cas et les friandises volés à l’arrière de l’avion dans un recoin disponible aux pauvres qui désirent se sustenter, nous remplissons nos panses. Alain continue à être totalement immergé dans le septième art. Il voit tout au long de ces heures de vol: Hanna, Code Source, potiche deux navets américains le dernier Good bye Paris de Woody Allen, un match de rugby et au moins deux autres documentaires. Il est fin prêt pour faire partie du jury au prochain festival de Cannes.
Nous arrivons à Londres à cinq heures du matin donc à dix-sept heures heure néo-zélandaise. À ce moment-là, nous sommes à vingt-six heures d’avion non-stop. Nous sommes épuisés et nous cherchons dans l’immense aéroport nos portes d’embarquement. Nous avons enfin un peu de temps, nous déjeunons dans un pub et nous profitons de cette attente bienvenue pour nous replonger dans la coupe du monde. Nous regardons sans grand enthousiasme le match de l’équipe de France contre le Tonga. L’équipe de France déjoue et est menée toute la partie par une vivifiante équipe des Tonga. Une fois de plus nous ne pouvons que constater le naufrage collectif de l’équipe à Lièvremont. Cette équipe n’ira pas bien loin. Il ne reste qu’une quinzaine de minutes à jouer mais nous ne pouvons rester plus longtemps, nous sommes appelés en salle d’embarquement. Nous quittons Londres à huit heures, heure locale.
Dernier vol Toulouse s’affiche sur les écrans, nous revoilà! Nous, les petits enfants de France. Notre airbus A320 atterrit à dix-heure trente le samedi 1er octobre sur le tarmac de l’aéroport de Blagnac. Il est vingt-deux heures trente là-bas. Cela fait trente-six heures que nous voyageons.
Il est onze heures, quand nous posons les pieds sur notre territoire, la douceur oubliée du vent d’autan nous accueille. Nous attendons longuement nos bagages. Le tapis roulant tourne interminablement mais à l’évidence Thierry et Alain n’ont pas leurs bagages. Ils n’ont pas pu prendre la correspondance à Sydney, ils sont quelque part sur la terre. Patricia, Marie-Christine Elisa et Mathilde sont venus nous accueillir dans le Hall. Elles courent et viennent à notre rencontre, Alain cherche Woody Allen se croyant sur le tournage d’un film. Beaucoup d’émotions dans ces instants. Nous nous séparons le temps que chacun reprenne son véhicule. Direction la peńa où nous attend un succulent cassoulet trop longtemps oublié.


                                     FIN








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